LE PORTRAIT DE
LA FAMILLE PERES

« Une chance qu’a eu Maxime dans sa vie, c’est de toujours rencontrer des personnes géniales. » me confie Martine, sa maman avec émotion. Pourtant, c’est une succession d’épreuves que cette famille a traversé avec leur fils.

Il y a 21 ans, Eric et Martine, et leurs filles Sophie et Sandrine, décident unanimement d’agrandir la famille. Après avoir passé 1 an dans un orphelinat en Lettonie, Maxime arrive en France. Rapidement, ses parents observent quelques difficultés chez leur benjamin. Mais elles sont attribuées à sa naissance prématurée et aux stimulations quasi inexistantes à l’orphelinat. À cette époque ils ne s’inquiètent pas. À l’entrée en maternelle, ils sont alertés par la directrice et le pédiatre : « C’était au mois de Janvier » se souvient Martine, « Il faudrait peut-être lui faire faire des bilans car il se passe quelque chose avec Maxime. Il est isolé à l’école, il ne se mélange jamais avec les autres enfants, il est dans un coin, il se balance, il ne parle pas. »

L’existence de troubles envahissants du développement est avancée ! Mais une fois de plus, un rapprochement entre son abandon et ses débuts de vie difficiles justifient son manque de motricité. On les oriente alors vers le CAMSP (centre d’actions médico-sociale précoce). Une batterie de tests (orthophonique, psychomoteur, pédiatrique, etc.) permet d’identifier plus concrètement son handicap ; Maxime souffre d’un trouble du spectre autistique (TSA).

« Ce handicap est subtil, c’est tellement variable, tellement vaste. Il y a autant de formes que de personnes. […] entendre ce mot, ça a été traumatisant pour nous. Et puis d’ailleurs, il y a 20 ans, je crois que je ne l’avais encore jamais prononcé. Je n’en avais même jamais rencontré. […] tu plonges dans un truc, c’est terrifiant. On se demandait ce qu’on allait devenir ! Mais qu’est-ce qu’on va faire pour lui, pour qu’il puisse s’en sortir ? Est-ce qu’on va y arriver ? Est-ce qu’il va pouvoir vivre le plus normalement possible ? ».

Maxime a vécu de manière chaotique ses 2 premières années en maternelle pour lesquelles il avait obtenu l’aide d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) une matinée par semaine : « comme si les gamins n’allaient à l’école qu’une demi-journée par semaine » lance Martine sidérée. Elle ajoute que pour le personnel ce n’était pas simple non plus. Il n’avait pas les compétences, tout en précisant que ce n’était pas un manque de volonté de leur part. Avec son mari, ils se mettent d’accord : Maxime ne fera pas une 3ème année en maternelle ! Ils ne supportent plus de le voir assis dans un coin quand ils vont le chercher. Martine met alors sa carrière entre parenthèse pour lui faire pratiquer diverses activités pour le socialiser.

Finalement, à l’âge de 5 ans, Maxime décroche une place en CLIS (classe pour l’inclusion scolaire – aujourd’hui ULIS). Des aménagements lui ont permis de progresser : 2 heures par jour d’AVS, en CLIS le matin et à l’IME l’après-midi. Et surtout la rencontre successive de deux maitresses engagées : « Notre Maxime a été transformé. Il était complètement différent, il était content d’aller à l’école, il était moins agité. On sentait qu’il évoluait bien. Il avait commencé à apprendre à écrire, à parler, à lire. Cette prise en charge spécifique est essentielle pour ces enfants, avec des temps d’intégration dans des classes standards, c’est une clef sociale ! C’est une grande victoire pour ces gosses. »

En parallèle, les parents oeuvrent pour lui transmettre des moyens supplémentaires d’intégration dans des milieux dits ordinaires. Le camp des éclaireurs certains samedis avec des enfants neurotypiques1, des restaurants et des concerts en famille. L’objectif, lui apprendre à vivre des moments en collectivité. Les nombreuses photos de ses anniversaires témoignent d’ailleurs d’une socialisation réussie. Tous les ans, une quinzaine d’enfants, certains en situation de handicap, d’autres non, se retrouvaient pour célébrer l’anniversaire de Maxime.

Puis son parcours se poursuit en classe ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire, niveau collège), avec un accompagnement pointu de la part des éducateurs et psychologues du SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile). Mais avec du recul, sa maman admet, qu’ils auraient dû l’enlever après la 5ème. La 4ème a été une année complexe, il était noyé, c’était pour lui la limite du système.

Il retourne à l’IME, le même que celui de son enfance. S’il ne faut pas minimiser le fait qu’il connaissait déjà l’établissement, sa maman confesse que l’ensemble du chemin parcouru en milieu ordinaire, a facilité son intégration. Il était même ravi, tous les jeudis soir, d’y dormir avec ses copains. Premiers pas vers une forme d’autonomie !

Si les interrogations qui tourmentent la famille Peres depuis l’annonce du handicap de Maxime ne disparaitront jamais totalement, elles s’atténuent avec l’évolution de Maxime. Mais sa maman ajoute que cela n’a pas été aussi simple qu’il y parait « Moi, je résumerai la vie de Maxime à un combat. Pour lui, pour toutes ces personnes-là, bien sûr, leur vie est une succession de batailles. »

Pour ces enfants, l’école est une porte d’entrée indispensable vers l’inclusion, mais c’est aussi grâce à l’investissement, aux démarches personnelles des familles qu’ils accèdent à des options, des possibilités, leur permettant d’expérimenter, de se sentir plus à l’aise avec les autres. L’inclusion commence à l’école mais ne s’y limite pas. Elle doit s’étendre en dehors de l’univers scolaire, partout dans la société, avec un soutien et un accompagnement plus important pour les familles qui se sentent souvent démunies.

1 Neurotypique désigne une personne ayant un fonctionnement neurologique considéré dans la norme, et ne présentant pas une condition neurologique particulière.

MAXIME AUJOURD’HUI

Depuis janvier 2022, alors âgé de 22 ans, Maxime a rejoint le SAAJ (service d’accueil et d’activité de jour) Les Ecrins dans le quartier Villarobert de Gap de l’association l’Unapei Alpes Provence. Johanna, son éducatrice référente pour son projet de vie, mais aussi le point de repère que s’est choisi Maxime, explique qu’une phase d’immersion progressive aurait été la bienvenue pour faciliter le passage à cette nouvelle vie. Mais le manque de temps et de moyen humain permet difficilement des adaptations personnalisées. Maxime a donc vécu un transfert précipité. Avec l’accompagnement des professionnels et les ateliers proposés en lien avec les besoins et les objectifs de chacun, Maxime trouve ses marques. Son atelier de référence “l’Artyculture” lui permet d’apprendre à connaître ses émotions, exprimer ses désirs et besoins, affirmer son identité à travers différents supports artistiques. Le groupe accueilli sur cet atelier de référence, bénéficie d’un temps convivial le vendredi matin, l’activité Bistro. Le but, acquérir des codes sociaux, en jouant le rôle d’un client, pour les transférer sur l’extérieur. Si Maxime adore y savourer son coca l’enjeu est ailleurs. De nature timide, il doit alimenter le partage avec les autres, nourrir des relations qu’il peine pour le moment à initier. Il doit consolider son identité, formuler ses désirs, affirmer ses choix, se construire en tant qu’adulte. Tout cela n’est pas évident mais il doit apprendre à dire s’il aime ou non quelque chose, et ne pas répondre immédiatement par l’affirmative pour faire plaisir à son interlocuteur. A l’aise avec les personnalités les plus douces, Maxime sélectionne d’ailleurs ses ateliers en fonction du groupe et non de ses goûts. « On sent que Maxime il a envie de faire plaisir aux autres. » raconte Johanna. Maxime, qui parle bien mais peu, est plus à l’aise à l’écrit : « Il écrit très bien, ses acquis scolaires sont impressionnants. D’ailleurs à nous de l’aider à les conserver. Une chance qu’il ait eu ce parcours, l’écriture et la lecture sont des bons moyens de communication pour Maxime ».

Propos reccueillis par Lucile Bouillot,
Responsable Communication de l’Unapei Alpes Provence